Hier

Histoire ancienne

La seigneurie de Canon, propriété d’Eudes de Canon au Moyen Âge, passe par le jeu d’alliances et de successions, notamment aux familles Franqueville (XVe siècle), Sarcilly (XVIe siècle), le Sueur puis à Thomas de Bérenger en 1689, dont il reste dans le parc une partie du château transformée par la suite en fabrique.

XVIIIe siècle

Son fils, Robert de Bérenger, protestant, fuit le régime et part se réfugier en Angleterre, vendant Canon à vil prix, en 1727, à un sieur de la Rocque, fortuné Receveur des Tailles de Valognes, qui construit alors une nouvelle demeure, creuse la pièce d’eau et commence à planter les avenues.
Jean-Baptiste Elie de Beaumont célèbre défenseur de la cause des protestants, épouse en 1760 Anne-Louise Morin du Mesnil, seule héritière de la famille de Bérenger, et s’intéresse alors en qualité d’avocat aux conditions critiquables de la vente de Canon menée en 1727.
Après une très longue procédure, à laquelle s’intéresse de près son ami Voltaire il gagne le procès devant le Conseil des Dépêches en 1768 et engage alors immédiatement d’immenses travaux.

Après remboursement à la Rocque des dépenses faites par celui-ci, J.B. Elie de Beaumont supprime le toit mansardé et fait édifier un étage, surmonté d’un décor de balustres à l’Italienne et orné de vases sculptés, le tout cachant une toiture d’ardoises.
Les précieuses archives conservées dans le « chartrier » de Canon permettent de connaître tous les détails des travaux réalisés de 1768 à 1786, notamment par les nombreuses lettres que l’avocat adressait à son intendant Eutrope Serain, depuis Paris où le retenaient ses plaidoiries.

Serain mènera ainsi à bien les nombreux travaux engagés sous les instructions précises de l’avocat, qui y enverra des maîtres de qualité comme les sculpteurs Prévost et Stouff ou encore Dropsy, le marbrier du roi…

Utilisant la pierre blonde calcaire de Quilly (près de Bretteville-sur-Laize) et le sable de mer pour « rustiquer » les façades, plus de 30 ouvriers travailleront sur place durant plus de dix années.

J.B. Elie de Beaumont commandera lui-même aux pépinières d’Harcourt les arbres d’essences variées qui orneront le parc, cherchant des contrastes de couleurs en toutes saisons ; il sera attentif en outre aux « bruits de la nature » - en créant plusieurs cascades-, et aussi aux effets de perspectives.

Il attachera également beaucoup d’importance à ses « fruitiers », dénommés « Chartreuses », ces treize jardins clos de murs et reliés par une enfilade d’ouvertures en plein cintre, dont il établira lui-même les plans. Il souhaitera venir s’y reposer pour oublier son activité trépidante et, selon ses correspondances, s’y délasser quelques jours et « ne pas même ouvrir un livre ».

Enfin Monsieur et Madame Elie de Beaumont créent en 1775 la célèbre « fête des Bonnes Gens », grande célébration de la Vertu ; deux jours de fête durant lesquels sont couronnés la Bonne Mère, le Bon Vieillard, le Bon chef de Famille et la Rosière, élus au suffrage universel parmi les habitants de Canon, Mézidon et Vieux-Fumé.
De nombreux souvenirs de cette fête, qui rassemblait des milliers de personnes chaque année, entre le château, l’église et l’abbaye de Sainte Barbe de Mézidon, sont conservés dans les salons du château.
Une partie importante des dépendances, au Nord, était consacrée à cette manifestation, par l’aménagement d’une grande salle de théâtre dite « salle des Rosières » ; les motifs sculptés de la façade Est du château en portent également témoignage.…

En 1783, Anne-Louise Elie de Beaumont meurt, laissant son époux désespéré. Celle qui a tant contribué à la création et à l’administration de Canon, était aussi auteur des fameuses « Lettres du Marquis de Roselle ».
Dès lors, J.B. Elie de Beaumont ne vient plus guère à Canon et hâte la fin des travaux qu’il finance de plus en plus difficilement.
Après avoir écrit «Canon est un cancer qui me ronge » il meurt très endetté en 1786, laissant un fils de 13 ans, Armand, dont le célèbre avocat Target sera le tuteur.
Très apprécié dans la région, J.B. Elie de Beaumont évitera au domaine de Canon les désordres de la Révolution.

XIXe siècle

De son mariage en 1795 avec Eleonore du Paty, (sœur du grand sculpteur, auteur de la statue de Pomone assise dans les Chartreuses et de la statue de la place des Vosges à Paris), Armand aura deux fils dont l’un, Léonce Elie de Beaumont deviendra secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences après avoir établi la première carte géologique de France.

Ainsi le domaine créé, respecté et entretenu par la famille Elie de Beaumont parviendra presque intact à leurs descendants actuels malgré les révolutions, guerres et autres événements.

XXe siècle : Seconde Guere Mondiale

En revanche, Canon souffrira gravement de la dernière guerre qui verra s’installer au sein même du château, un hôpital allemand en juin 1944, puis les troupes d’une division de chars Panzers que les frondaisons des arbres bicentenaires protégeaient efficacement du repérage des avions alliés. Les Beaux-Arts reconstruiront parfaitement, dans le cadre des dommages de guerre, la ferme du Nord victime d’une bombe américaine.
Il n’en sera pas de même pour les autres dépendances qui subirent en 1945 une réquisition pour y loger des réfugiés travaillant à la restauration des voies ferrées de la région.
Privées de dommages de guerre faute d’identification des graves dégradations constatées, les vastes dépendances nécessitent depuis cette époque des restaurations effectuées chaque année.

XXe siècle : Tempêtes et recréations

Le parc est dès lors progressivement restauré pour retrouver sa splendeur d'origine. Dès les années 50, Germaine de Mézerac, et sa fille Antoinette entreprennent de replanter les "Chartreuses" de centaines de variétés de vivaces. Un travail de longue haleine dont le résultat constitue aujourd'hui un tableau spectaculaire.
Alors que l’entretien d’un tel domaine constitue déjà une lourde charge (à titre d’exemple les toitures représentent plus d’un hectare à elles seules) le parc fut ravagé par plusieurs tempêtes, notamment celle d’octobre 1987, puis en 1990 et en 1992, et enfin par le dévastateur ouragan du 26 décembre 1999. Aujourd'hui toutes les allées ont été entièrement replantées, grâce à l'aide de la French Heritage Society, et le parc a retrouvé son calme et sa beauté.